Le harcèlement trouve sa source dans le code pénal. En effet, le titre VII du code pénal et plus particulièrement le chapitre IVbis nommé « Du harcèlement » incrimine l’infraction de harcèlement. L’article 442bis du code pénal dispose que « Quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de cinquante [euros] à trois cents [euros],… »

Pour déterminer si nous sommes en présence de harcèlement, il est nécessaire de se pencher à la fois sur des éléments matériels et des éléments moraux.

 

Éléments matériels :

Un élément matériel désigne la manifestation concrète et observable d’une infraction. Cela inclut les actions, comportements ou faits punis par la loi, représentant ainsi la dimension visible de l’infraction.

Le premier aspect matériel est le comportement de harcèlement, qui peut être défini comme le fait « d’importuner une personne de manière irritante pour celle-ci »[1]. Cette notion d’irritation se manifeste souvent par la répétition d’actes. Il est important de noter que ces actes, pris individuellement, ne sont pas forcément répréhensibles sur le plan pénal. Par exemple, envoyer des lettres d’amour ou des fleurs n’est pas, en soi, une infraction. Toutefois, si ces actions répétées troublent la tranquillité du destinataire, elles seront considérées comme un comportement harcelant.

Le second aspect est que ce comportement doit affecter gravement la tranquillité d’une personne. Trois conditions sont à remplir :

  1. Le comportement doit perturber sérieusement la tranquillité, une simple gêne ne suffit pas, il faut atteindre un certain seuil de nuisance.
  2. Le comportement doit viser une ou plusieurs personnes de manière spécifique ; par exemple, la distribution de prospectus dans la rue ne cible pas des personnes déterminées.
  3. Il doit exister un lien direct entre le comportement harcelant et la perturbation subie par la victime.

 

Élément moral :

Deux scénarios doivent être pris en compte pour déterminer l’élément moral nécessaire au harcèlement.

Premier scénario : L’auteur de l’acte a pleinement conscience qu’il dérange ou nuit à la victime. Ici, l’intention de harceler est claire et indéniable. Cela signifie que l’élément moral, c’est-à-dire la volonté consciente de nuire, est bien présent au moment où l’acte est commis.

Deuxième scénario : L’auteur n’a pas conscience qu’il harcèle la victime. Dans ce cas, le rôle du juge est de déterminer si l’auteur pouvait se rendre compte de l’impact de son comportement. Pour cela, le juge se livre à une fiction en imaginant comment une personne raisonnable, prudente et diligente aurait agi dans une situation similaire. Si cette personne fictive n’avait pas agi de la même manière, cela peut indiquer que l’auteur aurait dû comprendre que son comportement était inapproprié, même s’il ne l’a pas fait intentionnellement.

 

Sanctions pénales

Peine privative de liberté et/ou amende

Le harcèlement est un délit passible d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans, assortie d’une amende allant de 50 à 300 euros (à multiplier par les décimes additionnels, actuellement fixés à un coefficient de huit), ou de l’une de ces peines uniquement.

Les circonstances aggravantes

Le législateur a encadré une grande variété de situations constitutives de circonstances aggravantes à travers deux articles spécifiques.

Ainsi, le second alinéa de l’article 442bis prend en compte les états de vulnérabilité de la victime. Lorsque l’auteur du harcèlement exploite une vulnérabilité liée à l’âge, la grossesse, une maladie, une infirmité, une déficience physique ou mentale, ou encore une situation de précarité, la peine minimale mentionnée à l’alinéa premier est doublée.

De plus, l’article 442ter introduit une série de mobiles discriminatoires comme circonstances aggravantes : si l’un des motifs de l’auteur est la haine, le mépris ou l’hostilité envers une personne en raison de caractéristiques telles que la race, l’origine nationale ou ethnique, le sexe, la grossesse, l’identité ou l’expression de genre, l’orientation sexuelle, l’état de santé, un handicap, la religion, les convictions politiques ou syndicales, la langue, ou encore l’origine sociale, la peine encourue est aggravée. Cela inclut également les situations où l’auteur harcèle une personne en raison de son lien réel ou supposé avec quelqu’un présentant ces caractéristiques. Par exemple, un homme pourrait harceler sa compagne, croyant à tort que son amie a changé de sexe, même si ce n’est pas le cas.

Sur le plan des sanctions, ces circonstances aggravantes permettent au juge de doubler la peine minimale prévue par la loi. Par conséquent, la peine minimale de quinze jours d’emprisonnement peut être portée à trente jours, bien que la peine maximale reste fixée à deux ans.

Peines autonomes

Le harcèlement ne fait pas exception aux peines autonomes. La surveillance électronique, prévue par les articles 37ter et suivants du Code pénal, peut être envisagée pour des peines d’emprisonnement comprises entre un jour et un an. Une peine de travail, d’une durée allant de 46 à 300 heures, peut également être imposée, tout comme la probation autonome prévue à l’article 37quinquies, avec une durée maximale de deux ans. Ces peines autonomes peuvent ainsi être appliquées dans le respect de la fourchette légale prévue.

La procédure de médiation et mesures

Face à un harcèlement amoureux, le ministère public peut proposer à l’auteur une procédure de médiation et mesures, conformément à l’article 216ter du Code d’instruction criminelle. Cette option vise à sensibiliser l’auteur aux conséquences de son comportement, tout en l’incitant à y mettre fin, dans le respect des intérêts de la victime. Si cette procédure de médiation aboutit, elle a pour effet d’éteindre l’action publique, mettant fin à toute poursuite pénale.

Les règles spécifiques de droit pénal général

Tentative non punissable : L’article 53 du Code pénal précise que la tentative de délit n’est punissable que si la loi le prévoit expressément. Concernant l’infraction de harcèlement moral, aucune disposition légale ne réprime la tentative. Dès lors, cette dernière n’est pas punissable dans ce cadre.

Participation punissable : Les articles 66 et 67 du Code pénal sanctionnent l’aide apportée à l’auteur d’un harcèlement moral. Lorsque cette aide est indispensable, le régime de la corréité s’applique, conformément à l’article 66. Cela signifie que le coauteur, en raison de sa participation, sera considéré comme responsable de l’ensemble des actes commis, encourra la même peine que l’auteur principal et sera donc tenu solidairement responsable. En revanche, si l’aide est accessoire, la complicité est régie par l’article 69. Le complice sera alors puni d’une peine qui n’excédera pas les deux tiers de celle qui aurait été appliquée s’il était auteur principal. En pratique, les juridictions privilégient presque systématiquement l’application du régime de la corréité.

Concours d’infractions : Le harcèlement moral est souvent lié à d’autres infractions. La doctrine souligne qu’il est rare qu’une seule forme de violence soit exercée dans la sphère amoureuse. Ainsi, les violences se combinent souvent à d’autres infractions pénales telles que les menaces, les injures ou les dégradations de biens. Ce phénomène, appelé « polyperpétration » ou « escalade des violences », caractérise un concours idéal d’infractions lorsqu’elles procèdent d’une même intention délictuelle, celle de nuire gravement à la tranquillité de la victime. L’existence d’un concours idéal relève de l’appréciation souveraine du juge du fond. Conformément à la règle de l’absorption prévue par l’article 65, alinéa 1er, du Code pénal, le juge examinera les peines applicables aux différentes infractions et n’en prononcera qu’une seule, la plus sévère.

[1] Proposition de loi insérant un article 460ter dans le Code pénal en vue d’incriminer le harcèlement , Doc. parl., Ch. rep.,1996-1997, n°1046/6, p.2.