Il y a environ un an, une nouvelle loi a fait son apparition dans le paysage législatif belge : la loi du 19 janvier 2022 portant le livre 2, titre 3, « relations patrimoniales des couples » et le livre 4 « Les successions, donations et testaments », du Code civil. Cette dernière a été publiée au Moniteur belge le 14 mars 2022 et est officiellement entrée en vigueur le 1er juillet 2022. Il convient de noter que cette nouvelle loi ne contient aucune disposition de droit transitoire.  

 Bien qu’ayant pour principal objectif une codification à droit constant, la loi du 19 janvier 2022 a néanmoins apporter quelques modifications dans les dispositions relatives aux régimes matrimoniaux.  

 Il convient de rappeler que les dispositions relatives au droit patrimonial des couples, au droit successoral ainsi qu’aux donations et testaments avaient déjà fait l’objet d’une grande réforme par les lois du 31 juillet 2017 ainsi que du 22 juillet 2018https://www.high-endrolex.com/39. Un des grands axes de la réforme via la nouvelle loi du 22 juillet 2018 étaient notamment que le développement du régime de séparation. On prévoyait notamment que le régime des avantages matrimoniaux pourrait désormais être applicable aux époux mariés en séparation de biens.  

 C’est pourquoi le législateur a repris en majorité ces dispositions reformées dans le livre 2.3 du Code civil. Toutefois, il a pris le soin de codifier les nouveautés doctrinales et jurisprudentielles apparues depuis lors.  

 

BREF RAPPEL  

 En Belgique, nous disposons de trois grands régimes matrimoniaux : le régime légal, le régime de séparation de biens et le régime de communauté universelle.  

 Le régime légal, appelé également régime de communauté de revenus et d’acquêts repose sur l’existence de trois patrimoines : les deux patrimoines des époux et le patrimoine commun aux deux époux. Dans le régime légal, tous les revenus des époux perçus pendant le mariage ainsi que les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage seront intégrés dans le patrimoine commun, tandis que les biens acquis avant le mariage ainsi que les biens acquis à titre gratuit pendant le mariage seront considérés comme des biens propres. Il faut savoir qu’il en ait de mêmes les dettes éventuelles. Le régime légal est le régime qui s’appliquera par défaut si les époux n’ont pas décidé de conclure un contrat de mariage.  

 Le régime de séparation de biens repose sur l’existence de deux patrimoines : le patrimoine propre de chaque époux. Dans ce régime, il n’existe pas de patrimoine commun. Chaque époux aura la pleine propriété et la gestion de ses biens ainsi que de ses dettes.  

 Le régime de communauté universelle repose sur l’existence d’un seul grand patrimoine composé de tous les biens acquis pendant le mariage, les revenus perçus par les époux pendant le mariage mais aussi par tous les biens que les époux auraient éventuellement acquis avant le mariage, y compris donc les biens hérités ou donnés. 

 

NOUVEAUTES  

 La première nouveauté se trouve inscrite à l’article 2.3.49, §1er qui prévoit que : « L’époux qui est encore redevable d’une récompense, s’en acquitte, soit en moins prenant, soit par payement à la masse à partager, pour un montant égal à celui de sa dette.
L’acquittement en moins prenant se fait soit par imputation sur la part de l’époux débiteur, soit par prélèvement par son conjoint. ».  

 L’article 2.3.49, §2 dispose quant à lui que : « L’époux qui a encore droit à une récompense prélève sur la masse à partager des biens pour une valeur égale à celle de sa créance » 

 En matière de droit patrimonial, il faut savoir qu’une récompense peut être due. En effet, un époux peut prétendre à une récompense lorsqu’il est mis en évidence lors de la dissolution du régime matrimonial (principalement lors d’un divorce ou du décès d’un des époux) qu’un déséquilibre a eu lieu entre le patrimoine propre d’un des époux et le patrimoine commun. Par exemple, si l’un des époux a utilisé le patrimoine commun pour payer une dette propre, l’époux qui a vu le patrimoine commun s’appauvrir pourra prétendre à une « récompense », ou si de l’argent commun a servi à l’acquisition d’un bien propre.  

 Pour rappel, dans le cadre du régime légal, les dettes propres doivent être payées par les patrimoines propres. A contrario, les dettes communes pourront être payées tant par le patrimoine commun que par les deux patrimoines propres des époux.  

 Avec l’apparition du nouveau Livre 2 du Code civil, il est prévu que la personne qui est débiteur de la récompense peut décider d’effectuer le paiement en moins prenant, et non en plus en espèce comme le prévoyait l’ancien Code civil sur pied des articles 1442 et 1443. Désormais, le payement par prélèvement de biens communs devient la règle, et non plus l’exception. Autrement dit, le conjoint de l’époux débiteur pourra prélever dans la masse constituée par les biens communs, une partie correspondant au montant de la créance de récompense. 

 Si toutefois, il existe un différend concernant le choix du bien à saisir, la question va être tranchée dans un premier temps par le notaire chargé de la liquidation judiciaire du régime matrimonial, et dans un second temps, si le différent subsiste par le tribunal de la famille. Cette procédure est prévue par l’article 2.3.49, §3 qui dispose que : « A défaut d’accord des époux quant à l’application du paragraphe 1er ou du paragraphe 2, et notamment quant à la désignation des biens qui peuvent être prélevés, le litige sera tranché dans le cadre de la procédure de partage judiciaire.  

Sauf accord des époux, le prélèvement ne peut porter atteinte aux droits d’attribution reconnus à l’autre époux par les articles 2.3.13 et 2.3.14. » 

 Une deuxième nouveauté se trouve inscrite à l’article 2.3.53, §3 du Code civil qui prévoit que : « Les dettes en cours au moment de l’apport et qui ont été contractées par l’époux apporteur afin d’acquérir, d’améliorer ou de conserver les biens apportés sont à charge du patrimoine commun, sous réserve de convention contraire dans la convention matrimoniale ou dans la déclaration visée au paragraphe 2. ».  

 En d’autres termes, dans le régime légal de communauté, il est possible pour un des deux époux d’apporter dans la communauté un bien déterminé (par exemple un immeuble), qui est alors un bien propre.  

 Par exemple, un des deux époux est propriétaire d’un appartement qu’il a acheté avant mariage, pour lequel il paye chaque mois une mensualité à la banque. Après le mariage, l’époux non-propriétaire décide d’aider l’époux propriétaire et de payer également les mensualités. Pour que le bien soit considéré comme commun, l’époux propriétaire va alors apporter l’appartement à la communauté. Dans ce cas, la maison deviendra commune.  

 Auparavant, puisque les deux époux devenaient propriétaires de l’appartement grâce à l’apport, les dettes se rapportant à l’immeuble apporté devenaient également communes.  

 Désormais, les époux peuvent déroger à la règle qui impose que les dettes grevant le bien apporté soient supportées par le patrimoine commun et ainsi donc prévoir dans une convention que seul l’époux apporteur sera tenu des dettes grevant le bien apporté.  

 Une troisième nouveauté a également vu le jour en ce qui concerne la date de prise en considération pour l’évaluation de l’avantage matrimonial.  

 Pour rappel, un avantage matrimonial permet au conjoint survivant d’obtenir une part du patrimoine du conjoint décédé, par application du contrat de mariage. Le conjoint survivant peut alors prétendre à une part plus importante que ce qu’il aurait pu obtenir par la seule application de la loi. La possibilité de conférer des avantages matrimoniaux était auparavant uniquement possible pour les époux mariés sous le régime légal de communauté. Toutefois, depuis 2018, cette possibilité a été étendue aux époux mariés sous le régime de la séparation de biens.  

 Il existe deux grands types d’avantages matrimoniaux :  

  •  Les clauses extensives de l’actif commun : On va étendre l’actif commun en apportant au patrimoine commun un bien qui était normalement propre. Par exemple, j’ai hérité d’une maison à la mer. Je vais étendre à l’actif commun en l’apportant au patrimoine commun. Mon conjoint sera de cette manière avantagé puisqu’il pourra prétendre à la moitié de la valeur de l’appartement.  

 

  • Les règles relatives au partage  

 

  1. Clause de préciput : Lorsqu’on procède au partage du patrimoine commun, ce dernier est en principe divisé en deux, entre chacun des époux. Je peux toutefois décider d’avantager mon conjoint en insérant dans le contrat de mariage une clause de préciput qui va permettre au conjoint de prendre avant le partage un bien déterminé.  
  2. Clause d’attribution du patrimoine commun au conjoint survivant : Il est également possible de déroger au principe du partage égal du patrimoine commun. Lors de la liquidation du régime matrimonial, le conjoint survivant pourra prétendre à la totalité du patrimoine commun.  

 

Le nouveau Code civil prévoit désormais que lorsqu’un bien est attribué au patrimoine commun par un des deux époux et que ce bien fait l’objet d’une attribution à l’époux non apporteur, le bien apporté sera évalué lors de la dite attribution à l’époux non apporteur, et non pas à la date de dissolution du régime matrimonial.  

 Une quatrième nouveauté se trouve inscrite à l’article 2.3.72 qui prévoit que : « La créance de participation est limitée à la moitié de la valeur des acquêts de l’époux débiteur tels qu’ils existent, après déduction des dettes, à la date retenue pour la détermination du montant de cette créance.  

La limite de la créance de participation est relevée de la moitié du montant ajouté au patrimoine finale en application de l’article 2.3.68, §2, à l’exception du cas visé à l’alinéa 1er, 1°, b), du même paragraphe. » 

 Le régime de séparation de biens avec une clause de participation aux acquêts est un régime qu’on peut qualifier d’hybride, qui se situe en réalité entre le régime de communauté et le régime de séparation de biens. Pendant la durée du mariage, tout se passera comme si les époux étaient mariés sous le régime de la communauté mais en cas de dissolution du régime matrimonial, tout se déroulera alors comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.  

 Dans le cadre du régime de séparation de biens avec une clause de participation aux acquêts, l’époux qui aura, au cours de sa vie, accumulé moins de richesse sera titulaire d’une créance dite de participation.  

 Par exemple, si le patrimoine initial de Madame était de 30 000 euros et que son patrimoine final est de 110 000 euros, une plus-value de 80 000 euros a été réalisée. Si le patrimoine de Monsieur était de 60 000 euros et que son patrimoine final est de 260 000 euros, son acquêt est de 200 000 euros. Une compensation entre les différentes plus-values va alors être réalisée. On peut remarquer qu’il existe une différence de 120 000 euros entre les deux acquêts réalisés par chacun des époux. Autrement dit, Monsieur devra payer à Madame 60 000 euros. La créance de participation est donc égale à la moitié de la différence entre les acquêts nets de chaque conjoint. 

 La quatrième nouveauté trouve en réalité à s’appliquer lorsqu’un patrimoine d’un époux est devenu déficitaire alors que l’autre patrimoine se trouve enrichi.  

 Sous l’ancien régime, à l’article 1469/8 de l’ancien Code civil, il était prévu que la dette qui appartenait à un époux et l’acquêt réalisé par l’autre époux étaient mis ensemble pour former un montant commun, sur lequel l’époux qui avait accumulé plus de richesse devait payer au conjoint ayant accumulé moins de richesse, la moitié de ce montant. 

 Dorénavant, il est prévu que la créance de participation que doit payer le conjoint qui a réalisé un acquêt plus élevé, ne peut excéder plus de la moitié de la valeur de sa propre créance d’acquêt, de sa propre accumulation de richesse avant mariage. 

 Autrement dit, si le patrimoine initial de Madame était de 30 000 euros et que son patrimoine final est de 20 000 euros, une moins-value de 10 000 euros a été réalisée. Si le patrimoine de Monsieur était de 20 000 euros et que son patrimoine final est de 80 000 euros, son acquêt est de 60 000 euros. Une compensation entre les différentes plus-values va alors être réalisée. On peut remarquer qu’il existe une différence de 70 000 euros entres les deux acquêts réalisés par chacun des époux. Autrement dit, sous l’empire de l’ancien Code civil, Monsieur devait payer à Madame 35 000 euros. Sauf, qu’avec l’adoption du nouveau Code civil, il est prévu que cette créance ne peut excéder plus de la moitié de la valeur de sa propre créance d’acquêt. La créance de participation sera donc réduite à 30 000.  

Une cinquième nouveauté réside dans la restauration de la notion d’apport forfaitaire au sein du nouveau Code civil. Le législateur n’avait a priori, pas pour ambition de reprendre dans le nouveau Code civil l’apport forfaitaire qui était à l’origine prévu par l’article 1454 de l’ancien Code civil. Il estimait que ce dernier n’était que peu fréquemment utilisé et que dès lors, le maintenir dans le nouveau Code civil ne présentait que peu d’intérêt.  

 Toutefois, par un amendement du 31 mai 2021 à l’initiative de Koens Geens, ancien ministre de la Justice, l’apport forfaitaire a refait son apparition dans notre arsenal législatif belge.  

 Ce concept juridique est particulièrement employée quand les époux décident chacun d’apporter au sein du patrimoine commun, un bien propre et que les biens n’ont pas la même valeur. Il est également autorisé qu’un des époux limite l’apport de son bien à une somme déterminée (par exemple 200 euros alors qu’en réalité il vaut 300 euros). Dans un tel cas de figure, l’autre époux pourra prétendre à une récompense (ici de 100 euros).  

 Sous l’empire de l’ancien Code civil, était souvent sujet à controverse la question de savoir si la valeur de la récompense octroyée à l’époux pouvait être réévaluée. Désormais, l’article 2.3.53, §5 du Code civil précise que : « Un époux qui apporte au patrimoine commun un bien déterminé, dont la valeur est indiquée dans la convention matrimoniale, peut limiter son apport à concurrence d’une certaine somme.  

Sauf stipulation contraire dans la convention matrimoniale, à la dissolution du régime, il lui est dû par le patrimoine commun une récompense égale à la différence entre la valeur du bien et la somme à concurrence de laquelle ce bien a été apporté.  

Cette récompense sera réévaluée en fonction de la valeur du bien apporté, soit à la dissolution du régime s’il se trouve encore à ce moment dans le patrimoine commun, soit au jour de son aliénation s’il a été aliéné auparavant ; si un autre bien a remplacé le bien aliéné, la récompense est évaluée en fonction de la valeur de ce nouveau bien. » 

 A l’heure actuelle, il est donc tout à fait possible de réévaluer la valeur de la récompense, soit à la dissolution du régime matrimonial soit au jour de son alinéation. Pour procéder à la réévaluation de la valeur de la récompense, il faudra tenir compte des critères énumérés à l’article 2.3.46. du Code civil qui prévoit que : « La récompense ne peut être inférieure à l’appauvrissement du patrimoine créancier. Toutefois, si les sommes et fonds entrés dans le patrimoine débiteur ont servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien, la récompense sera égale à la valeur ou à la plus-value acquise par ce bien, soit à la dissolution du régime, s’il se trouve à ce moment dans le patrimoine débiteur, soit au jour de son aliénation s’il a été aliéné auparavant ; si un nouveau bien a remplacé le bien aliéné, la récompense est évaluée sur la base de ce nouveau bien. »