Il était assez courant que les peines de moins de 3 ans ne soient pas exécutées. Elles pouvaient ainsi être remplacées par une peine de surveillance électronique, ce qui permettait à la personne condamnée de n’effectuer aucun passage par la case prison.

Toutefois, depuis le 1er septembre 2022, les choses ont considérablement changé sous l’impulsion de notre ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne car les dispositions relatives aux peines jusqu’à trois ans prévues dans la loi relative au statut juridique externe du 17 mai 2006 des condamnés sont effectivement entrées en vigueur, après plus de 15 ans.

Régime antérieur

Auparavant, les condamnés à une peine jusqu’à trois ans ne faisaient pas l’objet de dispositions légales. Autrement dit, les mesures qui leur étaient applicables se trouvaient dans des circulaires de l’administration pénitentiaire qui s’échelonnaient dans le temps. Les condamnés à une courte peine (donc jusqu’à trois ans) ne devaient pas nécessairement effectuer un séjour en prison, car les peines d’emprisonnement entre six mois et trois ans étaient la plupart du temps exécutées par le biais d’un bracelet électronique ou demeuraient inexécutées parfois. Ensuite, après avoir été soumis au bracelet électronique pendant quelques mois, ceux-ci pouvaient alors obtenir une libération provisoire, sous conditions.

A l’origine, ces dispositions avaient été adoptées pour limiter la population carcérale. Ce but n’a malheureusement pas été atteint, car depuis de nombreuses années déjà, les chiffres pénitenciers ne cessent de s’accroitre. Il a également été mis en avant qu’en n’agissant pas dès la première condamnation, la personne qui a commis une infraction se sent alors intouchable et hors d’atteinte du système judiciaire, ce qui conduit alors cette personne à commettre d’autres infractions, parfois plus graves.

Les juges ainsi que tous les autres acteurs du système judiciaire ont à cœur de limiter le risque de récidive en Belgique. C’est pourquoi sous l’ancien régime, ils avaient tendance à infliger aux personnes coupables des peines plus longues de manière à ce qu’une partie de la peine au moins soit effectuée à l’intérieur d’une cellule. Les juges d’instruction, quant à eux, ont eu tendance à plus facilement opter pour une détention provisoire. A terme, ces façons de procéder ont conduit à augmenter de façon désastreuse la population pénitentiaire.

 

Nouveau régime

A l’heure actuelle, la procédure a très fortement changé. Dorénavant, les condamnés à une peine jusqu’à trois ans doivent passer devant le juge d’application des peines. Ces peines dites « courtes » ne devront donc plus être exécutées par le système pénitentiaire, ce qui a pour effet que les personnes condamnées à des peines jusqu’à trois ans devront être également incarcérées.

Ils pourront introduire une demande de modalités particulières d’exécution de la peine auprès du juge de l’application des peines, six mois avant que le tiers de la peine soit subie. Le juge d’application des peines va à ce moment-là siéger seul afin de décider s’il accorde au condamné une modalité particulière d’exécution de la peine ou non.

Il faut savoir que différentes modalités d’exécution de la peine existent en droit pénal. En d’autres mots, dès qu’une personne a effectué une partie de sa peine, celle-ci peut bénéficier des dites modalités d’exécution de la peine, à savoir la surveillance électronique, une libération conditionnelle, la mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise ou la détention limitée.

  • Surveillance électronique: Cela signifie que vous devez rester obligatoirement à une certaine adresse. Afin de procéder au contrôle du respect de cette condition, la personne doit porter un bracelet électronique.
  • Libération conditionnelle : Cela signifie que vous êtes libéré avant la survenance de l’échéance de votre peine, moyennant le respect de diverses conditions pendant un délai déterminé.
  • Libération provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise : Cela signifie que vous êtes libéré avant la survenance de l’échéance de votre peine, soit moyennant le respect de la condition de quitter le territoire ou soit afin d’être remis au pays qui a décerné un mandat d’arrêt européen ou international à votre encontre.
  • Détention limitée : Cela signifie que vous avez le droit de sortir de la prison pendant plusieurs heures afin de travailler ou pour suivre une formation. Dans la plupart des cas, la personne n’est alors emprisonnée que pendant la nuit ou la soirée.

Ces modalités permettent à la personne condamnée d’effectuer une partie de sa peine en dehors de la prison et offrent donc l’avantage de limiter la surpopulation carcérale.

Toutefois, différents délais doivent être respectés pour pouvoir bénéficier de ces modalités. En matière de détention limitée ainsi que de surveillance électronique, la personne condamnée peut introduire une demande six mois avant que le tiers de la peine soit subie. En ce qui concerne la libération conditionnelle ou la mise en liberté provisoire, la demande peut être faite après qu’un tiers de la peine soit subie.

Il faut également la présence d’une absence de contre-indications pour que la surveillance électronique ainsi que la libération conditionnelle et la détention limitée soient octroyées, à savoir :

1° le fait que le condamné ne dispose pas de la possibilité de subvenir à ses besoins

2° le risque manifeste pour l’intégrité physique de tiers

3° le risque que le condamné importune les victimes

4° l’attitude du condamné à l’égard des victimes des infractions qui ont donné lieu à sa condamnation

5° les efforts consentis par le condamné pour indemniser la partie civile, compte tenu de la situation patrimoniale du condamné telle qu’elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné.

Ces différentes contre-indications se trouvent inscrites au paragraphe 1 de l’article 28 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.

Différentes contre-indications sont également présentes pour la libération en vue de l’éloignement ou de la remise, à savoir :

1° un risque manifeste pour l’intégrité physique de tiers

2° le risque que le condamné importune les victimes

3° les efforts fournis par le condamné pour indemniser les parties civiles, compte tenu de la situation patrimoniale du condamné telle qu’elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné.

Ces différentes contre-indications se trouvent inscrites au paragraphe 2 de l’article 28 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.

Les condamnés doivent dès lors attendre en prison que le juge d’application des peines décide s’il leur accorde éventuellement un bracelet électronique ou une libération conditionnelle.

Notons qu’il existe une exception à cette règle : certains condamnés pourront toutefois attendre la décision du juge d’application des peines chez eux, et non en prison. Cette procédure appelée « tout en liberté » est prévue à l’article 29, §2/1 de la loi relative au statut juridique externe. Cependant, plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies à cette fin :

  • Il faut que la personne qui doit subir une ou plusieurs peines privatives de liberté se trouve, à six mois près, dans les conditions de temps pour l’octroi d’une libération conditionnelle. Autrement dit, il ne faut pas faire l’objet d’une condamnation de plus de 18 mois. Cette condition sera vérifiée par le greffe.
  • Il faut également s’être présenté spontanément à la prison dans un délai de cinq jours ouvrables après avoir reçu le billet d’écrou.
  • Il faut savoir que certaines infractions sont exclues, à savoir les faits de terrorisme ainsi que les infractions à caractère sexuel.

Si ces trois conditions sont remplies, la personne condamnée adressera une demande écrite au greffe de la prison. Cette demande va ensuite être communiquée au greffe du tribunal de l’application des peines dans un délai de 24h. La personne en question pourra bénéficier d’une suspension de l’exécution de sa peine, ce qui lui permettra d’attendre la décision du juge d’application des peines chez lui. Cette suspension prendra fin de plein droit le jour où le jugement du juge de l’application des peines qui statue sur la demande est passé en force de choses jugée, ou, en cas d’octroi de la surveillance électronique, au moment du placement effectif sous surveillance électronique.

 

Dispositions transitoires

La loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des condamnés a fait l’objet d’une entrée en vigueur qu’on peut qualifier de différée. Il convient de noter qu’à partir du 1er septembre 2022, le nouveau régime d’exécution des peines privatives de liberté est d’application uniquement pour les condamnés à une peine comprise entre deux et trois ans. Pour les condamnés à une peine jusqu’à deux ans, il faudra attendre le 1er septembre 2023 pour que la nouvelle procédure leur soit également applicable.

En ce qui concerne l’élément qui sera pris en considération pour savoir si le nouveau régime est d’application ou non, il a été décidé que ce serait la date à laquelle la condamnation définitive a eu lieu, et non la date à laquelle la peine est mise à exécution.

 

Risque de surpopulation carcérale et solutions d’avenir

Cette réforme présente un grand risque en termes de surpopulation carcérale. En effet, nous pouvons parler aujourd’hui de véritable exécution des courtes peines de prison. Auparavant, les condamnés à de courtes peines (jusqu’à 3 ans) n’exécutaient pas une partie de leur peine en prison, ce qui permettait de limiter la population carcérale. Dorénavant, les choses ont évolué car la possibilité d’obtenir un bracelet électronique ou la libération conditionnelle n’est plus aussi automatique qu’avant. Le juge de l’application des peines va devoir examiner une série de conditions et de contre-indications avant de pouvoir prendre sa décision. Pendant ce temps, la personne condamnée à une peine de plus de 18 mois va être incarcérée pendant au minimum six mois.

Pour pallier ce fléau, le législateur a mis en place deux types de mesures :

  • Pendant la crise du Covid 19, le législateur avait mis en place une procédure de libération anticipée à six mois de la fin de peine. Autrement dit, certains détenus pouvaient être libérés six mois plus tôt.

 

Dans ce contexte de réforme du régime d’exécution des peines, le législateur belge a décidé de réactiver cette mesure afin de limiter le risque de surpopulation carcérale. Le 13 juillet dernier, la commission Justice de la Chambre a effectivement approuvé ledit projet de loi « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme », en deuxième lecture.

En l’espèce, ce sera le directeur de la prison qui prendra la décision de libérer anticipativement la personne ou non. Il analysera si le détenu dispose d’un logement ainsi que de moyens suffisants pour vivre. Notons que ce pouvoir octroyé aux directeurs de prison ne sera d’application que jusqu’au 31 août 2023 avec une possibilité de prolongation jusqu’au 31 décembre 2024.

Cette attribution de compétences aux directeurs de prison peut cependant inquiéter l’opinion publique. C’est pourquoi il a été prévu d’exclure les grands criminels comme les auteurs d’actes terroristes ainsi que d’actes sexuels.

  • Le ministre de la Justice a récemment eu le souhait de créer plus de places en prison notamment par le biais d’ouverture de nouveaux établissements comme les nouvelles prisons de Haren et de Termonde, mais aussi par la création de 15 nouveaux lieux de détention appelés « maisons de détention ». Ces maisons de détention, réservées en priorité aux personnes condamnées à des peines jusqu’à 3 ans, sont sensiblement différentes des prisons. Il s’agira de plus petites structures qui ont l’avantage d’encadrer les détenus dès leur premier jour de détention. L’accent sera véritablement mis sur la réinsertion des détenus. En effet dans l’enceinte de ces bâtiments, des accompagnateurs de détention travailleront avec les détenus afin de les aider à trouver un emploi ou une formation adaptée à leur profil.

La création de ces maisons a pour but d’offrir 720 nouvelles places mais cela prend néanmoins énormément de temps, car les bâtiments utilisés doivent répondre à certaines conditions comme par exemple le fait qu’ils doivent pouvoir devenir propriété de l’État. Étant donné que les riverains sont assez réticents à accepter la venue de détenus sur leur territoire, le ministre ainsi que le Secrétaire d’État en charge de la Régie des bâtiments rappellent que des réunions de quartier sont organisées avec les autorités locales. Celles-ci ont pour objet de rassurer les riverains en mentionnant qu’il s’agit de détenus qui ne présentent pas un haut degré de dangerosité.

A l’heure actuelle, seule la maison de détention de Courtrai est opérationnelle. Il est également prévu d’incorporer une maison de détention dans la prison de Haren, mais les travaux n’ont pas encore été effectués.

Malgré de belles perspectives de solutions proposées par le ministre de Justice, le constat de terrain qui s’impose est accablant : les personnes condamnées à des peines jusqu’à 3 ans vont devoir effectuer leur peine dans les prisons dites classiques, pourtant déjà surchargées.